Le 10 juin, le Gouvernement a annoncé un plan pour accompagner les entreprises du secteur de la construction dans la reprise de leur activité dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificatives pour 2020, alors que le secteur artisanal du bâtiment subit de plein fouet la crise économique déclenchée par la pandémie du Covid 19. Ce plan n’est pas à la hauteur de la situation d’urgence dans laquelle se trouvent les entreprises artisanales du bâtiment.
A l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificatives qui sera examiné à l’Assemblée nationale, la Capeb souhaite interpeller les députés pour qu’ils alertent le Gouvernement sur la question de la prise en charge des surcoûts engendrés par la mise en place des précautions sanitaires. Pour la rénovation des logements, la Capeb estime ce surcoût entre 10 et 20 %.
Les postes les plus lourds concernent notamment la réorganisation des chantiers en particulier en cas de co-activité entre plusieurs entreprises ou plusieurs équipes, le transport des salariés, la désinfection des surfaces, la gestion des déchets. Cela concerne également l’obligation de réaménagement des bases de vie, des vestiaires, des sanitaires sur site et bien évidemment la fourniture des équipements de protection (gants, masque, etc.).
La solution proposée par le Gouvernement réside dans la négociation ou la renégociation, et tout particulièrement en marché public. Or de quelle marge de manœuvre dispose une entreprise artisanale face à son client particulier ou encore face à son maître d’ouvrage public ? Cette mesure est, dans tous les cas, inopérante pour une petite structure.
La Capeb rappelle que ces coûts contribuent à augmenter les montants des devis et souhaite que l’État puisse prendre des dispositions compensatoires pour alléger pour partie ces surcoûts.
Le troisième projet de loi de finances rectificative prévoit par ailleurs d’accorder aux entreprises les plus touchées par la crise économique et sanitaire des mesures exceptionnelles d’exonération de cotisations et contributions sociales ainsi que des remises de dettes et des plans d’apurement. Ces mesures sont proposées aux secteurs d’activité les plus touchées notamment les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration de la culture de l’événementiel du sport et du commerce de détail non alimentaire ainsi que les secteurs dont l’activité dépend de celles de ces secteurs. Elles ne concernent pas le secteur du bâtiment pourtant lourdement touché par la crise économique actuelle, notamment en raison du temps nécessaires qu’il a fallu pour établir le guide officiel de recommandations sanitaires sur les chantiers et en raison des refus de la clientèle privée et des particuliers de procéder aux chantiers (87 % de l’activité du secteur).
Compte tenu de son poids dans l’économie et de son importance pour l’activité dans les territoires, la Capeb demande l’extension de ces mesures exceptionnelles d’exonération des cotisations et contributions ainsi que les remises de dettes, aux employeurs et travailleurs indépendants relevant du secteur du bâtiment et des travaux publics.
Pour Patrick Liébus, président de la Capeb : « La crise qui frappe nos entreprises est un choc d’une ampleur inédite. La situation est grave : nous faisons face à de très fortes contraintes de trésorerie et nous devons nous organiser pour accroitre progressivement notre niveau d’activité, notamment en ce qui concerne les chantiers les plus complexes. N’oublions pas que notre secteur représente 6,4 % de l’emploi et 5 % de la valeur ajoutée en France et qu’il offre, au redémarrage de l’économie nationale, de puissants effets d’entraînement ! Nous avons donc formulé des demandes concrètes et adaptées à la réalité du terrain, que les Pouvoirs publics doivent prendre en compte pour relever le défi de la reprise de l’activité de l’artisanat du bâtiment. A situation exceptionnelle, nous voulons des mesures exceptionnelles ! C’est le moment de prendre en considération certaines de nos propositions rejetées l’an passé, mais également d’en retenir de nouvelles. Nous demandons à nos Capeb départementales de les porter à la connaissance de leurs parlementaires. »
Projet de loi de finances rectificatives : l’occasion de revenir sur des erreurs du projet de loi de finances initial
Le projet de loi de finances pour 2020 prévoyait d’exclure du CITE les 9° et 10° déciles qui représentent les ménages les plus « aisés ». Si l’on peut comprendre que le Gouvernement, au travers d’une mesure sociale, soutienne légitimement les ménages modestes et très modestes, pour autant en termes de massification des travaux et sur un plan environnemental, exclure les 9° et 10° déciles, qui réalisent actuellement près de 50 % des travaux relevant du CITE, marque une incohérence et conduira inévitablement à une baisse du nombre de rénovations énergétiques des logements. Le projet de loi de finances rectificatives constitue une occasion de revenir sur cette mesure, en lien avec les objectifs fixés par le président de la République qui souhaite mettre l’accent sur la rénovation énergétique.
Le projet de loi de Finances 2020 supprimait en outre le CITE pour les ménages intermédiaires, concernant les chaudières gaz à très haute performance énergétique (THPE). Or, il est objectivement démontré que ces équipements ont vocation à remplacer le parc des chaudières fioul et gaz existant, en contribuant à la diminution des consommations énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre. Une suppression brutale du CITE sur les chaudières gaz à très haute performance énergétique n’est donc pas concevable aujourd’hui.
Enfin, la Capeb plaide pour un retour de la TVA à un taux réduit de 5,5 % pour l’ensemble des travaux de rénovation. Cette mesure représenterait une réponse concrète aux enjeux économiques et climatiques actuels.
Six propositions simples et au plus proche du terrain pour soutenir l’activité du secteur
La Capeb adresse par ailleurs aux Pouvoirs publics des demandes adaptées au quotidien des entreprises artisanales. Tous les obstacles de terrain que peuvent rencontrer les entreprises artisanales et toutes les incohérences administratives qui minent le quotidien des entreprises artisanales doivent être levés afin que leur survie économique soit assurée.
Afin de renforcer leur trésorerie pour éviter au maximum les défaillances d’entreprise, la Capeb demande le paiement direct à l’entreprise de l’avance et du solde des aides aux travaux (MaPrimeRénov, Anah, Action Logement…).
De même, il s’agit d’anticiper le versement des primes CEE aux clients, notamment pour les chantiers engagés, afin d’accélérer les règlements envers les entreprises.
De plus, afin que ces entreprises puissent reprendre leur activité sur tout le territoire et le plus rapidement possible, il faut :
- permettre aux collectivités territoriales de supprimer les « droits de trottoir » ainsi que les droits au stationnement pour les véhicules professionnels ;
- autoriser durant les mois de l’été la mise en place d’échafaudages et/ou de bennes ;
- accroître les rénovations par la possibilité de déroger au PLU, en favorisant un plus grand niveau de constructibilité.
Patrick Liébus : « Pour conclure, et pour le moment, j’ai bien peur que ce que nous appelons « reprise » ne corresponde en fait qu’à l’exécution des devis et commandes d’avant Covid. Par conséquent, ce qui est très inquiétant pour les semaines et mois à venir, c’est l’éventuelle insuffisance des nouvelles commandes, qui constitueraient la « vraie » reprise. Mes deux craintes : un trou d’air en automne et encore trop peu de chantiers en activité totale et normale. Je rappelle que le dernière enquête des CERC fait apparaître que seulement 63 % des chantiers repris fonctionnent à 100 %. Malheureusement, un bon nombre d’entreprises artisanales sont amenées à supporter les surcoûts, notamment quand elles réalisent des travaux pour les particuliers, ce qui risque de les conduire à des situations de trésorerie très dégradées, voire de les conduire à la faillite. Enfin, sous peu, nous présenterons l’intégralité du plan de relance que la Capeb propose pour le secteur, plan qui intégrera bien sûr ces quelques propositions. »