Implantées à Thuir depuis plus de cent ans, les Caves Byrrh sont le berceau de l’élixir inventé par les frères Violet en 1866. Les cathédrales ne sont pas seulement en pierre de taille, mais aussi en bois et en métal. En témoigne le chantier exemplaire de Robert Massuet et de Bruno Vidal qui ont réhabilité 84 cuves parmi lesquelles se trouve la plus grande cuve du monde sur le site historique des Caves Byrrh.
Les derniers foudres (cuves) en chêne encore existants (fin XIXe, début du XXe siècle) des Caves Byrrh (« tonique et hygiénique », toujours vanté sur les pubs murales de la petite ville) à Thuir (Pyrénées-Orientales), à une vingtaine de minutes de Perpignan, coin de charme en terre d’Oc, où l’on ne badine pas avec l’apéro, ont été réhabilités par deux artisans du pays, Robert Massuet, menuisier, et Bruno Vidal, ferronnier.
La plus grande cuve du monde
Dans la partie ouverte aux visites et privatisable se trouvent, au sein d’un même bâtiment, 100 foudres de 7 x 7 m (h x l) de plus de 200 000 litres chacun, mais aussi la plus grande cuve du monde qui affiche des dimensions hors normes de 12 x 12 m, d’un poids de 110 tonnes et d’une capacité de 1 000 200 litres (un million deux cents litres) de breuvage.
Sur ce chantier, les deux adhérents de la Capeb des Pyrénées-Orientales ont mené un travail de réhabilitation. Les 84 cuves n’étant plus en activité sur cette partie du site (seuls 17 foudres sont encore exploités par Pernod-Ricard), les cerclages s’étaient affaissés à cause du phénomène de rétractation du bois, les cuves n’étant plus en contact avec les vins qu’elles stockaient auparavant.
Un chantier titanesque
L’intervention de Robert Massuet s’est principalement portée sur les plafonds des cuves (ou planchers) de sept mètres de diamètre, dégradés pour certains ou totalement effondrés pour d’autres. L’artisan a utilisé du chêne neuf lorsque cela était nécessaire tout en conservant au maximum les pièces de bois existantes lorsque cela était possible. Sur certains foudres, Robert Massuet a également consolidé les planchers moins épais (ép. de 2,5 à 3 cm) en les doublant d’un plancher mince. Seule l’épaisseur des planches des plus épais était relativement égale (environ 7 cm). Quant à ceux nécessitant des planches neuves, ces dernières étant bloquées par leurs extrémités dans une réservation présente sur les douves (planches verticales des cuves), l’artisan a été contraint de les remplacer en trois parties pour pouvoir les démonter et remonter les pièces neuves. Le tout ayant été consolidé à l’aide des renforts existants. Les sections des planches d’origine n’étant pas égales, Robert Massuet s’est adapté aux différentes largeurs allant de 15 à 20 cm, voire jusqu’à 23 cm dans certains cas.
Bruno Vidal a réalisé 6 000 brides découpées au laser dans de la tôle de 5 mm pour repositionner et maintenir les cerclages sur les cuves de 7 x 7 m. Le temps passé sur la création de ces pièces représente à lui seul environ 2 000 heures de travail. Quant au cerclage de la grande cuve, à raison de trois brides existantes par cerclage (60 au total), Bruno Vidal a installé 180 entretoises nécessaires au rallongement des brides existantes (voir encadré L’astuce du pro).
Sécurité oblige
Les espaces entre les cuves étant très restreints, Bruno et Robert ont déniché, au Royaume-Uni, une nacelle pour son petit gabarit et son moteur électrique, car sur un site alimentaire, les nacelles équipées d’un moteur thermique sont interdites. Les deux artisans ont également dû s’équiper d’un échafaudage adapté au site. Pour cela, ils ont collaboré avec l’OPBBTP et la Carsat pour, respectivement, leur demander conseil (nos artisans ont profité de l’occasion pour former leurs salariés au travail en hauteur) et solliciter le financement de la nacelle et de l’échafaudage qu’ils ont fait réaliser sur mesure par le fabricant Layher, partenaire de la Capeb. Grâce à la Carsat (pour en savoir plus, consultez le site de la Carsat de votre région), les dépenses ont été couvertes à hauteur de 80 %. Ceci les a aidés à travailler en toute sécurité sur ce chantier d’envergure.
Thomas Peixoto