Fort d’un savoir-faire appris de son père, l’unique chaumier d’Ille-et-Vilaine entend bien préserver un métier qui a failli tomber dans l’oubli. Disposant d’un savoir-faire ancestral, l’entreprise familiale, adhérente à la Capeb, est sollicitée dans toute la France pour sa maîtrise de la technique du chaume. Rencontre avec un artisan qui perpétue la tradition.

À 37 ans, Adrien Bougeard se rappelle avoir toujours su qu’il intègrerait l’entreprise familiale créée en 1988 par son père et sa mère, Michel et Agnès. Initialement, son père était couvreur ardoisier-zingueur. « Très peu de temps après la création de l’entreprise, mon père a été sollicité par des propriétaires de chaumières qui ne trouvaient pas de chaumiers pour réaliser leurs travaux », raconte son fils. Adrien Bougeard poursuit : « Mon père, Michel, s’est alors dit qu’il était opportun d’élargir son activité au toit de chaume. »

©Entreprise Bougeard

Un métier qui a bien failli disparaître

En 1991, le père d’Adrien Bougeard décide de se différencier en apprenant la technique du toit de chaume, mais tout ne s’est pas passé comme il le pensait. Son fils nous explique : « Pour apprendre ce métier, mon père est allé à la rencontre de chaumiers, mais ce qu’il ignorait c’est qu’à l’époque, les chaumiers n’avaient pas pour habitude de transmettre leur technique. C’est notamment pour cette raison que ce métier a bien failli disparaître. Sans se laisser décourager, il s’est alors lancé, sans filet, sur des chantiers tests directement chez les clients. Il a tout simplement appris la technique par lui-même en démontant les toits de chaume. Et sa pugnacité a payé, car notre entreprise a été la seule, et l’est de nouveau, spécialisée dans cette technique dans notre département. Durant ces trente dernières années, nous n’avons vu s’installer qu’un confrère chaumier en Ille-et-Vilaine, un ancien salarié de mon père qui a appris le métier avec lui, dont l’entreprise n’a perduré qu’une quinzaine d’années. »

©Entreprise Bougeard

Une entreprise reconnue sur le territoire

« Si j’ai appris à mettre en œuvre des toits de chaume, c’est bien pour perpétuer le savoir-faire de mon père. Mais il était aussi important, pour moi, d’apporter une nouvelle expertise à l’entreprise. Grâce à mes acquis en ferblanterie, depuis que j’ai racheté les parts de mon père en 2019 – ma mère est cogérante jusqu’au rachat de ses parts dans quelques mois – au-delà du zinc et de l’ardoise, je suis en mesure de proposer des réalisations en cuivre ou en aluminium. De cette façon, comme mon père, j’apporte une activité supplémentaire à notre entreprise dont le savoir-faire n’est pas uniquement reconnu dans notre département, mais sur tout le territoire. Cette nouvelle activité de ferblantier permet ainsi à l’entreprise de rester dans la course en continuant d’intervenir dans toute la France pour la réalisation de couvertures et de bardages, quel que soit le matériau choisi pour le chantier, à commencer par le chaume qui a fait notre réputation, cela va sans dire », précise Adrien Bougeard.

Le chaume : une étanchéité et une isolation efficientes

Car les chaumières représentent bien la moitié du chiffre d’affaires de l’entreprise familiale qui reçoit deux demandes de réalisation de toits de chaume ou d’entretien par mois. « Le chaume est le terme générique pour désigner tous les végétaux mis en couverture (roseau, paille de seigle, paille de blé, etc.). Le toit de chaume offre une parfaite étanchéité, nul besoin d’un écran de sous-toiture, et une isolation efficiente qui ne nécessite pas la pose d’une isolation rapportée par l’intérieur. C’est la toiture la plus confortable en été. Nous travaillons avec du roseau de 1,70 m à 2 m de long avec des épaisseurs de 30 à 40 cm. Cette dernière épaisseur permet d’atteindre un R (résistance thermique) de 6,16 », explique-t-il en s’attardant sur la durabilité du matériau. « En respectant une pente minimale de 45° et 35° sous les lucarnes, le roseau offre une longévité naturelle allant de 30 à 70 ans. Mieux encore, le roseau autoclavé peut même durer jusqu’à 100 ans. Même si la technique de pose a évolué, cela ne change en rien la durée de vie du chaume », explique-t-il en concluant sur la pose. « Auparavant, la fixation s’effectuait avec de la paille tressée, de la corde de ronce ou de l’osier pour tenir une baguette de noisetier ou de saule qui venait pincer la botte de chaume contre la charpente. Aujourd’hui, les bottes sont maintenues à l’aide d’une barre et d’un fil, en inox ou galvanisé, mais les outils demeurent les mêmes. Parmi ceux-ci, on trouve la batte, car si l’aspect des toits de chaume est si reconnaissable, c’est parce que les pieds des roseaux, la partie visible, ne sont pas coupés mais battus. »

Thomas Peixoto